UNIVERSITE PARIS VI

UFR PITIE SALPETRIERE

DEPARTEMENT ANESTHESSIE REANIMATION

PR PIERRE CORIAT

RESPONSABLE D’ENSEIGNEMENT

DR JEAN-MARC BENHAIEM

MEMOIRE pour le

DIPLOME UNIVERSITAIRE D’HYPNOSE MEDICALE

ANNÉE 2018-2019



HYPNOSES ET CHIRURGIE PLASTIQUE

DR ELEONORE COHEN-HAYOUN

CHIRURGIE PLASTIQUE RECONSTRUCTRICE ET ESTHETIQUE

dreleonorecohen@gmail.com

1 rue Saint Claude 75003 Paris



SOMMAIRE

INTRODUCTION

OBJECTIFS DE L’HYPNOSE

CAS 1: l’hypnose dissociante

CAS 2: l’hypnose libératoire par un tiers

CAS 3: l’hypnose malgré moi

APPORT DE L’HYPNOSE DANS MA PRATIQUE

REFLEXION SUR LA CHIRURGIE PLASTIQUE ET L’HYPNOSE

CONCLUSION



INTRODUCTION


Les chemins de la vie m’ont menée au Yoga et la méditation en pleine conscience (mindfulness). J’y ai appris a être ancrée dans le moment présent et accepter les émotions qui passent. Tout est lié, l’hypnose est encore un autre outil .

Je suis venue a ce DU sur les conseils de mon beau père.

Etant Chirurgien Plasticien cela me permettrai de mieux accompagner les patients que j’opère, notamment sous anesthésie locale à mon cabinet.

L’introduction de Jean Marc Benhaiem m’a ouvert la voie.

Il a évoqué le fait que nous étions des thérapeutes, nous avons déjà l’expérience de soigner, par conséquent il allait juste nous apprendre comment passer d’un état à un autre. Il a ajouté qu’à la différence de la médecine traditionnelle il n’y a pas de protocole.

Il s’agit de saisir le « truc ».

Il a conclu par le meilleur des conseils : « Lundi vous commencez ! ».

Depuis presque un an j’ai inclus l’hypnose à tous les patients de dermato-chirurgie, des injections en médecine Esthétique, des réfections de pansement qui viennent à mon cabinet.

Mon objectif étant de mieux vivre l’acte et que ce moment devienne presque agréable et reposant.

Je vais présenter 3 cas qui ont retenues mon attention.


OBJECTIFS DE L’HYPNOSE


l’apprentissage de l’hypnose thérapeutique a changé ma pratique.

Tout d’abord j’ai compris que tout commence par l’ambiance dès que le patient entre dans mon cabinet. Je porte une attention particulière à la décoration, l’intensité lumineuse et la diffusion d’odeur. J’ai changé ma relation avec mon assistante en étant plus naturelle, plus chaleureuse et cela renforce notre esprit d’équipe.

J’ai compris que je pouvais parler de moi aux patients, faire de l’humour.

L’étape d’accordage est à mon sens la plus importante. c’est une synchronisation.

Trouver le rythme d’ajustement mutuelle tant par la respiration, la posture, le mouvement.

Et puis il y a l’installation au fauteuil : je les ramène dans leur corps, la pesanteur, la perception d’ankylose. Sentez votre tête, votre dos, vos cuisses, laissez vous aller c’est le fauteuil qui vous porte. Je met de la musique, je les couvre.

Même si je pratique depuis quelques années, j’ai toujours besoin de me mettre en condition pour intervenir sereinement, c’est une façon de canaliser mes émotions et d’être pleinement connectée à ce que je fais.

D’une certaine façon je me mets en auto-hypnose par la respiration et les patients suivent.

Après un conditionnement qui sature tous les sens je leur propose de fermer les yeux et de me faire un signe de la main quand il sont prêt. C’est une façon de demander la permission.

Je pratique donc l’anesthésie locale ou des injections d’acide hyaluronique et botox.

En fonction du niveau de transe du patient et son état d’esprit, l’hypnose peut être conversationnelle ou pas. Je respecte aussi les silences.



CAS N°1: L’HYPNOSE DISSOCIANTE


L’hypnose en pratique chirurgicale me permet de rendre plus confortable les interventions sous anesthésie locale.

J’utilise les principes de VAKOG pour induire le patient.

Mon objectif est de les relaxer et permettre à leur esprit de s’évader le temps de la petite chirurgie. Ce fut le cas d’un jeune patient de 15 ans accompagné par sa mère qui se présente pour l’ablation d’un naevus sur la joue. Ce patient n’a pas d’antécédent particulier.

Après la mise en condition et le déroulement de l’intervention je lui dit que l’intervention est terminée et qu’il peut revenir à lui.

Seulement voilà les choses ne se passent pas comme prévu et le patient ne se réveille pas. Heureusement qu’à l’issu du premier cours Jean Marc Benhaiem nous a dit que c’etait impossible. Je me demande alors si ce jeune patient a une personnalité psychotique que je n’avais pas détécté.

Je le stimule en lui disant qu’il peut se réveiller et que c’est terminé. il revient à lui et il me dit qu’il ne voit plus d’un oeil.

Je comprends alors qu’il faut l’aider dans le processus de réassociation, reprendre possession de son corps. J’improvise donc des exercices comme se frotter les mains, s’assoir, se regarder dans le miroir, sautiller, se frotter les cuisses. Ce fût efficace.

J’en conclut donc que chacun a un niveau d’association et de dissociation de base.

Il faut donc s’adapter à chacun et parfois aider au retour.



CAS N°2 L’HYPNOSE LIBERATOIRE AVEC UN TIERS


Il s’agit d’une femme de 35 ans qui se présente à mon cabinet pour retirer un grain de beauté sur le menton

Je lui dit que cela est possible de le faire, je lui demande de tourner la tête afin qu’elle puisse voir le fauteuil ou allait se passer la chose. Elle se lève les larmes aux yeux en me disant qu’elle doit d’abord appeler son copain pour en discuter avec lui.

Je fus surprise de sa réaction car avoir besoin de l’aval du conjoint pour retirer un grain de beauté me semble étonnant.

Je lui laisse le temps nécessaire et elle revient vers moi en me disant qu’elle était ok mais la semaine prochaine.

Lors de l’entretien elle me raconte qu’elle essaye d’avoir un enfant avec son ami que c’est compliqué car elle n’arrive pas à tomber enceinte, elle relie ça au fait d’avoir eu des infections urinaires récidivante dans son enfance, elle m’explique faire une formation en sexologie pour aider les femmes à accoucher de façon « orgasmique ».

Pour elle retirer ce grain de beauté est un grand pas vers le changement et que comme tout changement cela peu effrayer car c’est pour elle quitter une partie de son enfance, ce qui la constitue. Elle est ambivalente vis à vis de lui elle n’en veut plus mais pleure à l’idée de le quitter.

Je lui parle de l’hypnose, elle y est favorable et je lui prescrit la crème Emla.

Je lui affirme que retirer ce grain de beauté doit être le fruit de sa réflexion et que c’est sa décision.

La semaine d’après je l’aperçoit en salle d’attente avec son compagnon.

Je me suis dit que ce tiers pouvait avoir un rôle à jouer puisqu’il était présent dès le début de notre entrevue autour de ce grain de beauté si précieux pour elle.

Je fais donc la proposition au couple qui accepte.

Après avoir guidé la patiente au fauteuil celle çi s’assoit avec un grand sourire et me devance avec un ton directif: Alors vous me faites l’hypnose Docteur?!

Je suis prise de cours car moi aussi j’ai besoin de m’installer, de me mettre en condition pour commencer et surtout il me faut m’accorder et cela me semblait un peu difficile.

Vous êtes bien installée ? vous n’avez pas trop froid?

je lui amène une couverture, je la borde, je lui demande de sentir le poids de son corps sur le fauteuil, la douceur de la couverture sur elle.

Je me connecte à ma respiration et lui demande de faire pareil.

Je demande à son ami de poser sa paume de main sur la cuisse de la patiente et à la patiente de poser la main par dessus.

Du coup je lui demande de se concentrer sur la présence de son ami la chaleur , la douceur, la texture de sa main.

Je lui parle du fait que la crème anesthésiante endors les couches superficielles de la peau, la patiente ferme les yeux et se laisse aller.

Je m’installe, met en place le champs opératoire en condition stérile, prépare ma seringue et mon bistouri. Et puis la patiente se laisse aller et part en transe.

Mais dans un mouvement désordonné comme si qu’elle parlait dans son sommeil elle se met à faire la grimace les yeux fermés à dire avec une voix de petite fille mais tu me gêne! tu me gêne, pousses toi!

Et là je doute ai je bien fait de faire intervenir cet homme?

Faut il que je lui demande de partir?

Mon instinct me pousse à aller au bout de ma démarche et de ne pas déclarer forfait face à cette difficulté.

Je reprends donc le contrôle de la situation en lui expliquant que l’on va changer de position que l’on va s’y prendre autrement.

Je demande donc à la patiente de se reconnecter c’est à dire de mettre sa main sur sa cuisse afin de se concentrer sur elle même: la sensation de sa propre peau…. et à son ami de poser sa main par dessus.

Le circuit était fermé, la patiente était rassurée et la présence de l’ami à fait de lui l’accompagnant de cette intervention.

En suturant la peau je lui demande de sourire ce qui me permet de mieux définir le sens de fermeture et je me dis que cela à forcément un impact positif sur son cerveau.

Quand l’intervention se termine et que je lui demande de revenir à elle

Et là le couple tombe dans les bras l’un de l’autre avec une émotion toute particulière comme s’ils accueillaient quelque chose de nouveau ensemble.

Cette expérience d’hypnose au décours d’une dermatochirurgie aura permis à cette femme d’accueillir positivement un changement et la présence de son ami lui a été bénéfique.

Je me l’explique par son profil psychologique, le fait qu’elle y attendait un effet notoire puisqu’elle était demandeuse, le fait que son ami y ait participé, qu’elle l’ai repoussé, accepté puis qu’elle l’ai enlacé tendrement une fois tout cela terminé.

J’ai eu l’impression que cette séance était l’accouchement de quelque chose….



CAS N°3: L’HYPNOSE MALGRÉ MOI

C’est la kermesse de la maternelle de ma fille qui a 4 ans

Je m’installe au stand maquillage

Une file de petite fille se forme derrière la petite chaise vide qui leur étaient destinée.

Je me dis que n’étant pas experte en maquillage d’enfant je vais me contenter de faire des formes simples avec peu de couleur.

Je propose à la première petite fille de s’assoir, bien adosser ses épaules sur le dossier de la chaise et fermer les yeux.

Je commence à « peindre » avec un pinceau quelques arabesques bleues en tenant son menton.

La petite fille s’endors immédiatement jusqu’à presque tomber de sa chaise.

Quelle fut ma surprise de constater que j’avais induit un état hypnotique !

Il me suffit de la stimuler pour qu’elle revienne a elle.

Mais ma surprise s’agrandit au bout du quatrième enfant qui se met dans cet état.

Ce que je peux en conclure c’est que l’état hypnotique est le fruit d’une conjonction d’éléments favorables, il suffit parfois d’un conditionnement très simple, de trois mots et d’une certaine disposition d’esprit.

Ce cas n’est pas en rapport directe avec l’hypnose médical mais il est intéressant pour comprendre les mécanismes non volontaires du processus hypnotique.



L’APPORT DE L’HYPNOSE DANS MA PRATIQUE

Tout d’abord sur moi même, je suis plus détendue avec les patients, je parle de moi, de mes enfants, j’essaie de les faire rire ou de transmettre ma bonne humeur.

J’ai amélioré ma posture, ma poignée de main, mon timbre de voix, le choix des mots.

Je travaille principalement avec l’accordage et le VAKOG.

Parfois je désigne une partie du corps qui s ’engourdit et je fais circuler cette engourdissement vers la zone à opérer.

Je préviens que je vais pratiquer l’anesthésie locale.

Pour mes patients:

- Je leur demande toujours leur accord

Ils traversent la douleur de la piqure confortablement.

J’ai diminué la dose efficace

L’intervention devient un moment de bien être, je leur donne un espace pour se détendre, se relâcher et revenir à eux apaisés et satisfaits.

l’hypnose transforme leur préjugés négatif sur la chirurgie en une bonne expérience.



RÉFLEXION SUR LA CHIRURGIE PLASTIQUE ET L’HYPNOSE


l’hypnose est thérapeutique par le mouvement qu’elle initie, la dissolution d’une fixation de l’esprit, la transformation de la douleur subit.

Elle fait appel à l’imagination et la créativité.

La chirurgie plastique est thérapeutique parce qu’elle crée un déplacement.

Mes patients souffrent d’un aspect de leur physique et la fixité de leur esprit dessus envahit toute la représentation qu’ils ont d’eux mêmes .

D’une certaine façon l’accompagnement à leur transformation est à la fois technique et psychologique.

L’intervention chirurgical crée une modification des tissus.

Le travail ensuite se fait devant le miroir le patient voit le changement.

Je leur demande s’ils sont satisfaits: « oui »

Je leur suggère de ne plus focaliser dessus et je leur demande de déplacer leur regard sur l’ensemble de leur corps.

Je travaille sur le réinvestissement global du corps par des exercices de posture pour leur réapprendre à placer la tête, les épaules, le buste, le dos,le bassin, les pieds.

Je leur exprime le fait que maintenant ils vont pouvoir être à nouveau créatifs avec eux mêmes.



CONCLUSION


Il y une courbe d’apprentissage de l’hypnose thérapeutique par l’expérience.

Je souhaite continuer ma formation pour me perfectionner.

En quelques mois je peut dire que j’ai diminué les doses d’anesthésie locale, et véritablement amélioré l’expérience du patient lors de la phase chirurgicale.

L’accordage est une façon de créer une alliance unique avec le patient, je trouve cela précieux car il donne tout son sens à ma spécialité.